Installée en France voisine mais retournant régulièrement dans son Japon natal, Keiko Machida, comme beaucoup d’expatriés, vit entre deux mondes, nourrissant son présent de souvenirs et de nostalgies multiples qui la façonnent et peuplent son imaginaire. Le monde de l’enfance devient ainsi généreuse source d’inspiration ; mais c’est d’une enfance intériorisée et complexe qu’il s’agit, avec sa part d’ombre et de frayeurs, sa solitude, ses mirages et ses mystères… Dans une belle série de fusains, ses « dessins-parcs », elle visite les parcs de jeux qu’elle a connus, aujourd’hui déserts, terrains désolés enserrés d’immeubles, de végétation grimpante et de grillages; la force poignante du noir-blanc velouté du fusain intensifie l’impression d’abandon ; l’artiste écrit à ce propos : « En mêlant paysages réels et paysages imaginaires, je touche à la présence et à l’absence, dans cette interrogation autour de la réalité, de sa perception, de la mémoire et de la représentation ». Elle sait par ailleurs jouer de la fluidité de l’aquarelle pour évoquer des apparitions fantomatiques et légères, personnages oniriques et souvent fragmentaires, au bord de la dissolution…
Issue d’une pratique assidue et sensible de la peinture et du dessin, Keiko Machida s’est un jour tournée vers la céramique pour profiter des potentialités expressives du volume, tout en y exploitant la richesse picturale que permet le traitement des émaux. C’est ainsi que dans ses petites sculptures de porcelaine émaillée, l’artiste combine des formes ductiles modelées du bout des doigts, avec des émaux translucides, fluides et brillants, qui évoquent l’aquarelle, tandis que des pigments mats et charbonneux rappellent le fusain.
Anne-Belle Lecoultre Brejnik, 2013
101 Oeuvres / 101 Artworks, Fonds cantonal d’art contemporain Genève
10. Kairos – Espace d’art
Rue Ancienne 5
1227 Carouge
078 408 58 30
www.espacekairos.com